PAS DE SPOILERS | Encore un film, allez-vous dire ? C’est que j’en perdrais mes bonnes habitudes de lecture ! Mais il y a une raison. Vous ne deviez pas lire cette chronique aujourd’hui, mais bien un retour de lecture. Seulement voilà, impossible de laisser passer trop de temps pour vous parler du Joker car c’est un film qui fait parler (on le voit bien depuis sa présentation et son sacre à Venise). Parce qu’il est violent, difficile et montre des choses que nous refusons souvent de voir. Parce que j’ai besoin d’écrire mon ressenti dessus. Joker renferme plusieurs thématiques : la folie (bien évidemment) et la misère sociale et économique en tête de liste. De vastes sujets qui dans ce film s’entremêlent montrant constamment les conséquences de l’une sur l’autre.
Synopsis : (Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement) Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.
Une société sclérosée : Gotham, un reflet de nos villes
Je vais commencer par le sujet du film qui fait le plus débat : le message social extrêmement puissant qui est montré. Si vous avez la chance de vivre dans une communauté où l’entraide est importante, tant mieux pour vous et peut-être que le monde décrit par Todd Phillips ne sera qu’une fiction sur grand écran. Mais ce n’est pas le cas partout. Dans des villes où le voisin n’ouvre sa porte à personne (comment peut-on lui en vouloir quand on voit le nombre de démarchage en porte-à-porte ?), dans des villes où l’on détourne le regard de ceux qui ont faim (car pour eux aussi ce n’est pas évident), dans des villes où une femme ne peut pas sortir le soir sans récolter une remarque qu’elle n’a jamais demandée peu importe sa tenue… le Gotham de Todd Phillips n’est pas si loin que ça. Certes, c’est un extrême mais honnêtement, je me suis crue très facilement dans la réalité alors que le nom de Gotham city n’était jamais prononcé.
C’est dur. Vue par les yeux de cet homme qui tombe dans une spirale destructrice car abandonné de la société, des administrations, de ses proches. Oui, le constat est glaçant. Surtout lorsque cette petite voix dans ma tête me disait que des cas comme le sien pouvent exister dans la réalité. Dans ma réalité. Dans notre monde.
Le film ne cache pas son message politique. Comment dire qu’il n’en a pas lorsque l’on regarde Arthur confronté à chaque maux de notre société : coupes budgétaires dans le social, suivi et réinsertion des personnes psy, recrudescence des incivilités, choix de la violence gratuite comme réponse à tous type de situation, irrespect des minorités, harcèlement, sexisme et face à tout ça ? Le silence radio de ceux qui ont le pouvoir : les riches, les gens pour qui tout est toujours si simple, ceux qui n’ont jamais connu d’emmerdes et n’ont jamais compté les sous sur leurs comptes en banque (à quoi bon, y’en aura toujours). Joker est un film politique et cruellement actuel dans le monde entier, particulièrement dans les pays du nord économique. (Il ne manque que le sujet brûlant de l’urgence climatique pour compléter le tableau).
Bien traité ou pas… C’est peut-être là qu’il y a un manque de la part des scénaristes et du réalisateurs. Ce film montre un constat glaçant. L’image d’un monde à un instant T. Très bien. La majorité sauront sans doute analyser ça et prendre du recul. Mais peut-être pas tous. Et ici, aucune réponse n’est donnée à part se laisser sombrer dans la folie… Peut-être, peut-être… ce film peut-il mettre le feu aux poudres (déjà sur le point de s’enflammer).
La folie : Joaquin Phoenix touché par la grâce
Comment ne pas saluer la performance magistrale de Joaquin Phoenix qui endosse ce si difficile rôle du Joker. Je ne sais plus où j’ai lu que l’on reprochait à Todd Phillips d’avoir voulu faire un héros du Joker. Je ne sais pas du tout à quoi est due cette remarque. Pas une seule fois je n’ai envisagé Joker comme un héros. Certes il est le « héros » du film puisqu’il en est le personnage principal mais il n’est pas montré une seule fois comme un héros. Enfin si, deux fois pour être exacte, mais n’importe quel spectateur peut avoir le recul nécessaire pour constater que l’effet voulu est l’inverse. C’est un film de réflexion, ne le cachons pas. Même s’il est présenté comme un blockbuster.
Cet aspect mis à part, je tire ma révérence à l’acteur qui m’a mise un nombre incalculable de fois mal-à-l’aise. Humoriste méprisé, incapable de poursuivre son rêve à cause d’un handicap terriblement gênant pour ce métier, on ne le laisse pas s’exprimer, on l’humilie, on refuse de le comprendre, de lui laisser du temps, de patienter pour lui. Oui, j’ai ressenti de la compassion pour le Joker de Phoenix. J’ai eu de la peine, j’ai été triste. Je me suis dit que dans un monde plus bienveillant, il ne serait pas devenu ce qu’il est. Car on ressent la souffrance, la volonté de bien faire, jusqu’à ne plus pouvoir lutter et basculer à chaque étape un peu plus dans la folie. Devenant l’homme cruel et odieux qu’est le Joker.
J’ai eu des sentiments pour Arthur Fleck. De la compassion. Et pourtant, je n’excuse aucun de ses gestes non plus. (Bon, j’ai aussi tendance à bien aimer les vilains, coucou Loki-ddleston). En vérité, j’ai oscillé durant tout le film entre la compassion et le dégoût pour ce personnage. La totalité du film est ambivalent tout en tournant autour de ce personnage tout aussi ambivalent. Un nombre important de scènes auraient faire rire tout le monde dans n’importe quel autre film, ici, on n’ose pas rire, on n’a pas du tout envie de rire, on regarde, terrifié, une scène qui devrait susciter le rire mais qui nous glace. Et c’est fort. C’est puissant. Et impressionnant.
Voir ou ne pas voir : Joker de Todd Phillips ?
Je pense que vous l’avez compris en me lisant, j’ai adoré ce film. La noirceur de DC
Comics est au service du Joker, seul et unique personnage presque. Omniprésent à l’écran, dans nos esprits, dans notre champ de vision, à nos oreilles. Ce rire entre folie et larmes donne froid dans le dos. Todd Phillips et Joaquin Phoenix nous bousculent et créent la confusion dans nos sentiments. A côté de cette incroyable performance, on saluera la critique sociale immanquable faisant complètement oublier Gotham City et presque Batman lui-même si une partie de l’intrigue ne tournait pas autours des Wayne. Un film à voir sur grand écran tout comme à avoir dans sa dvdthèque le moment venu. Je n’en suis pas sortie indemne en tant qu’hypersensible, en tant qu’autrice, en tant que citoyenne du monde.
Avez-vous vu le film ou êtes-vous curieux.se.s de le voir ? Connaissez-vous bien l’univers DC Botman au cinéma ? Pour ma part, j’ai vu les films mais je suis tout de même néophyte dans le genre.