La Tresse – Laetitia Colombani : « histoire de femmes » n’est pas forcément « féministe »

IMG_20170814_112222_361C’est dans le cadre du club de lecture Féministe de Mélusine (Carnet Parisien) que j’ai voulu me plonger dans ce court roman publié chez Grasset et qui fait beaucoup parler de lui cet été. J’ai rarement pour habitude de lire « le-livre-que-tout-le-monde-lit » du moment. Quand le livre me rend curieuse, j’attends toujours que la « vague » soit passée pour me plonger dedans. J’aurais peut-être du pour celui-ci. Il se trouve que si j’ai passé un bon moment de lecture, ça n’a pas été le feu d’artifice que j’attendais au vue des chroniques dithyrambiques que j’ai pu voir passer (et qui passent encore) sur la blogosphère. Mais comment cela se fait-ce, vous demandez-vous peut-être ?! Réponse après le résumé.

Résumé : Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité. (Babelio)

Parmi les lecteurs, il y a un petit groupe un peu embêté car il lui est impossible de lire un livre dont on parle H24 (ou presque). J’en fais partie. Et malheureusement, ne m’étant pas vraiment écoutée, je n’ai sans doute pas apprécié le livre à sa juste valeur (peut-être ?). Je fais aussi partie des lecteurs qui n’aiment rien comme les autres (pas seulement en lecture du coup, je m’y suis déjà faite). Les signes étaient là, me disant de ne pas acheter le livre, que je n’étais pas sûre d’avoir un coup de coeur, mais ma vilaine curiosité et mon enthousiasme grisé par les chroniques ont eu raison de ma raison.

Je vous rassure quand même. Le livre n’est pas un mauvais livre. J’ai même plutôt apprécié ma lecture, c’était plaisant (enfin façon de parler car les sujets abordés ne le sont pas). Mais voilà, ce n’était pas ce à quoi je m’attendais. On me l’avait vendu comme hyper féministe. Je n’y ai vu que des histoires de femmes. Belles histoires, on est d’accord. Des histoires de femmes fortes et courageuses, ça oui. Mais pour autant, est-ce suffisant pour en faire un livre féministe ? Je n’en suis pas certaine. Sarah, au Canada, est l’archétype de la wonder women, aussi douée dans son rôle de maman que d’avocate (quid du rôle de Sarah-la-femme dans tout ça ?) et moi, les archétypes….wala quoi. Giulia, en Sicile, évite de peu un mariage arrangé (cliché again ?) tout en sauvant l’entreprise familiale (ça j’ai beaucoup aimé par contre). Enfin Smita, en Inde, une intouchable qui s’enfuit avec sa fille pour lui éviter le même sort (à mon sens l’histoire la plus intéressante des trois proposées).

Laissons donc de côté le drapeau féministe avec ce livre et apprécions le à sa juste valeur : une belle fiction contemporaine où se mêlent difficultés de la vie et poésie. Bon, dis comme ça, ça ne vous donne peut-être pas envie. Effectivement, je ne suis pas sûre que je l’aurais lu si on me l’avait vendu comme ça car j’ai horreur des histoires tristes à pleurer les larmes de tout son corps. Pourtant, je serai passée à côté d’un joli moment de lecture. Joli, parce que la poésie, le fil directeur choisi par Laetitia Colombani est très original et surtout très beau. J’oublierai juste une phrase qui m’a renvoyée directement à Asterix Mission Cléopâtre (celles et ceux qui ont lu le livre et sont fan du film comme moi -peu de gens peut-être- sauront). Et au fond, le livre ne fait pas tant pleurer que ça (pas du tout même) notamment grâce à une narration totalement détachée qui ne joue pas les intruses.

Lire ou ne pas lire : La Tresse de Laetitia Colombani ?

Si le résumé vous intrigue, ne vous dites pas que vous allez lire un livre féministe. Maintenant, vous pouvez y aller sans problème. C’est un beau livre avec des histoires pas toutes originales mais qui sont racontées avec douceur. La plume de Laetitia Colombani est détachée, elle n’est pas une intruse dans les difficultés que doivent surmonter ses femmes, toutefois, elle est empathique. Le rendu en est d’autant plus agréable qu’il se lit vite et que l’on peut le savourer tranquillement en une journée de far niente à profiter du soleil ou des premières sorties du plaid (ce qui ne semble pas tarder à arriver).

24 réflexions sur “La Tresse – Laetitia Colombani : « histoire de femmes » n’est pas forcément « féministe »

  1. Ouais… On doit avoir les mêmes réactions face aux « livres du moment » et si tu confirmes que c’est pas aussi dingue que ça, je crois que je vais passer mon chemin sans regret. Et puis, bon, les clichés, les « personnages-étiquettes » toussa, j’suis pas ultra fan. Je vais m’abstenir, toute façon ma PAL est déjà grasse comme un loukoum. 😉

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    • J’avoue que juste le lire pour un des trois personnages ne vaut peut-être pas le temps perdu… Après il reste sympathique mais bon si tu n’aimes pas les personnages-étiquettes mieux vaut éviter ^^

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  2. Je n’ai pas non plus trouvé le roman aussi dingue qu’il l’était présenté, j’ai passé un bon moment mais sans plus, notamment à cause du style d’écriture un peu trop « conte » à mon goût.
    Pour moi, il est féministe sans l’être, dans le sens où si ces trois personnages n’avaient pas été des femmes, elles n’auraient pas eu à affronter les problèmes rencontrés dans le livre, du moins pas de la même manière. Je l’ai plus pris dans ce sens-là. Mais sur le fond je suis d’accord avec toi.

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    • ça me fait plaisir un avis comme le tien. Effectivement, il est sympathique mais pas dingue. Côté féminisme, je suis d’accord avec toi que les personnages n’auraient pas eu à affronter ses situations si elles n’avaient pas été femme. Cela dit, je pense qu’on a dépassé ce stade pour celles/ceux qui sont sensibles à ce sujet (on attend plus) et pour celles/ceux qui n’y sont pas encore sensibles, le roman ne met pas bien en avant ce point-là : si elles avaient été hommes, elles n’auraient pas eu à affronter ça.

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  3. Je me sens coupable, je suis vraiment désolée de t’avoir encouragée à ouvrir ce roman un peu trop tôt manifestement. 😦 Par contre, je ne suis pas d’accord avec toi sur un point. Pour moi, ce roman est féministe dans le sens, déjà, où il met des femmes en scène, et uniquement des femmes, et montre qu’elles décident de se battre pour leur liberté, pour pouvoir faire leur propre choix, pour s’émanciper d’une société patriarcale dans les trois cas.
    Sarah est féministe car elle veut prouver à ses collègues qu’elle est capable de faire de l’aussi bon boulot qu’un homme, tout en devant à la fois gérer sa famille. Et la réaction de son entreprise est tout simplement écoeurante, elle décide donc de se recentrer et d’accepter d’être une femme, et non plus de se faire passer pour l’archétype du self-made-man. Giulia, évidemment, échappe au destin que sa famille a arrangé pour elle, et prend même la succession de son père en trouvant une solution pour leurs affaires. Quant à Smita… elle décide de bouleverser l’ordre des choses pour que sa fille ne subisse pas le même sort qu’elle… Elle est l’incarnation de la femme forte qui se met en danger pour changer l’ordre établi.

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    • Oh non ne te sens pas coupable ! Tu sais ma curiosité a plus de responsabilité que toi xD
      Concernant les personnages, je te rejoins totalement pour Smita ! Je la trouve extrêmement intéressante dans sa façon de penser, de réagir et surtout d’agir contre l’ordre établi comme tu dis. Sincèrement, j’aurai aimé lire beaucoup plus sur elle !
      Giulia n’est pas vraiment très originale et ne fait pas vraiment avancer les choses en terme de féminisme. Mais son histoire est très honorable d’avoir la force de s’arracher à un mariage arrangé et reprendre l’entreprise de son père.
      C’est Sarah qui m’a le plus fait lever les yeux au fond. Elle fait partie des femmes qui veulent tout faire à la perfection (il y en a, je les respecte totalement si elles gèrent tout ça sans problème), le fait est que elle ne peut pas puisqu’elle fait un burn out au tout début. Ce que je reproche à cette vision là, c’est celle de pousser la femme à tout assumer et être parfaite alors qu’un être humain, de fait, ne l’est pas (et on ne saurait lui demander de l’être). Elle ne veut pas que sa maladie se sache etc etc etc… face à des hommes ok… mais… ça me dérange de donner comme féminisme cette image-là (génératrice de stress et d’angoisse pour celles qui ne peuvent pas tout gérer en même temps et qui n’ont pas moins le droit de se revendiquer féministe)…

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      • Je comprends totalement ton point de vue, mais en fait j’ai l’impression que c’est la société patriarcale justement qui la pousse à agir ainsi, à vouloir se surpasser, à vouloir faire aussi bien que « les hommes ». Elle se met certes la pression toute seule, mais pour moi ça vient tout de même de la société, et elle n’aurait probablement pas rencontré les mêmes difficultés si elle avait été un homme. J’avoue qu’elle m’a touchée malgré tout 🙂 Mais je comprends ce que tu exposes !!

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        • Je comprends ton point de vue aussi et j’ai tout à fait conscience que la société d’aujourd’hui demande plus aux femmes qu’aux hommes. Cela dit, un personnage qui a conscience de cette pression sociale et qui la refuse, ça aurait pu être sympa (et personnellement m’aurait plus parlé). Dans tous les cas, je pense que c’est surtout une affinité à ce personnage sans doute par rapport aux vécus des lecteurs et lectrices 🙂

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  4. C’est vrai que ce Roman fait énormément parler de lui, pas que dans notre groupe ou sur la blogo, mais même dans la presse générale. J’ai même lu que c’était le Roman « que toutes vos voisines de plages ont lu », c’est fort quand même ^^ Tu tempères un peu, je n’avais que vu des avis excellents, et tu vas créer débat, c’est bien ^^ Du coup je vais le lire ce week-end, mais j’en attend beaucoup, malgré ta chronique haha ^^

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  5. Adorant les histoires mettant en scène des femmes fortes et courageuses, La Tresse a été une réussite à mes yeux. Néanmoins, je suis d’accord avec toi, j’ai eu plus de mal avec Sarah et j’ai préféré Smita. 🙂

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  6. Je n’ai pas trouvé que Sarah gérait super bien sa carrière et sa vie de maman. J’ai plutôt compris qu’elle négligeait presque ses enfants (mais peut-être ai-je mal lu).
    Je pense que le livre est féministe dans le sens où il dénonce le plafond de verre, et la condition de la femme (bon, c’est clairement moins flagrant avec Giulia).
    J’ai bien aimé cette lecture. Ce n’est pas aussi extraordinaire que ce que certaines personnes pouvaient laisser entendre, mais c’était agréable, assez fort, sans drama.

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  7. Encore plus que ce côté un peu caricatural, c’est la longueur du roman qui m’a gênée. On reste vraiment sur sa faim, et le roman est, au final, un peu trop superficiel malgré son postulat poétique que tu soulignes.

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