Frankenstein (ou le Prométhée Moderne) – Mary Shelley

L’autrefois, je suis tombée sur cet article de Brice de Malherbe sur Slate et ça m’a donné envie de partager avec vous une ancienne chronique, publiée la première fois sur Bookyboop mais que je n’avais pas repris ici. Vous pouvez retrouver l’article Slate en suivant le lien > Le transhumanise risque bien de nous détruire < et je vous laisse avec ma chronique de Frankenstein de Mary Shelley.

Il y a quelques années, j’ai eu la chance d’aller voir les deux retransmissions du National Theater de Londres de la pièce Frankenstein mise en scène par Danny Boyle. Les deux acteurs principaux, Benedict Cumberbatch (Sherlock, le dernier Star Trek, la voix de Smaug dans Le Hobbit…) et Johnny Lee Miller (Trainspotting, Elementary…) ont été vraiment bluffants car chacun jouaient les deux rôles : celui de Victor Frankenstein et celui de la créature. Pas en même temps, bien évidemment mais sur deux représentations, ils inversaient leur rôle. J’avoue ne pas pouvoir choisir quel rôle leur va le mieux à l’un ou l’autre car leur façon de jouer était complètement différentes mais tout aussi poignante et juste. Bref, je ne fais pas ici une chronique de cette pièce de théâtre mais bien du livre alors j’y viens.

Ces représentations ont été l’élément déclencheur qui m’a fait acheter le livre et je dois dire que je n’ai pas été déçue. Tout au long du récit, je me suis revue dans cette salle de cinéma face à ces acteurs étonnants et fascinants. Et ça a été un vrai plaisir que de replonger dans ces souvenirs.

 

Mais alors Frankenstein, c’est quoi l’histoire, la vrai ? Parce-qu’on connait le mythe, on connait ce qui en a été extrapolé, je m’imaginais un savant fou dans son laboratoire, une table chirurgicale, un toit ouvrant pour qu’un éclair puisse y passer et les villageois dehors avec des torches qui veulent tuer cette bête. Bien évidemment, on retrouve ces éléments, mais beaucoup plus sous-entendus que je ne le pensais au départ. Frankenstein est un livre qui s’inscrit dans le mouvement gothique des XVIIIe et XIXe siècles en Grande-Bretagne, c’est-à-dire qu’il a pour but de donner des frissons et la chair de poule aux lecteurs. L’horreur est donc sous-entendue par moment, à d’autres, elle est plus présente et dans ce livre, c’est bien sûr la Créature qui est porteuse de cette horreur gothique. Et pourtant, son humanité est stupéfiante. Et c’est bien ce qui m’a le plus marqué. Pour résumer rapidement et ne pas vous gâcher le plaisir de la lecture, Victor Frankenstein, passionné de science voire d’alchimie, se met en tête de donner la vie à de la matière morte, il crée donc sa Créature, qu’il abandonne à la seconde où il s’aperçoit qu’il a réussi son entreprise, trop effrayé par ce qu’il vient de faire. La Créature se terre et se cache, tente d’apprendre à communiquer par des moyens indirects le langage des hommes et acquiert peu à peu une véritable conscience avec un sens réel du bien et du mal. Rejeté à cause de son physique par la communauté humaine, il se jure de détruire son créateur qui lui a offert une vie de misères.

Ce que je tiens particulièrement à partager avec vous, c’est mon ressenti par rapport à la Créature. Le livre est écrit de telle sorte que Victor Frankenstein est la malheureuse victime même s’il est conscient d’une part de responsabilité et c’est ce qui m’a vraiment choqué. Comment lui vient-il à l’idée de se victimiser alors que la misère dont il est actuellement victime est entièrement sa faute ? Je veux dire par là qu’il a créé un individu vivant qui a acquis une conscience, un sens moral, une envie de vivre profondément humaine et qui se fait rejeté par son créateur d’abord puis par tout le genre humain. Pour moi, Frankenstein aurait dû assumer sa responsabilité paternelle envers sa Créature et il n’y aurait pas eu tous les problèmes qui en ont découlé. Cependant, même si mon avis est tranché sur la question, je peux comprendre que l’on puisse avoir un autre ressenti car c’est justement le cœur de ce livre selon moi : la question d’éthique, de morale. Si l’on crée un être doté d’une conscience, d’une capacité à réfléchir, on se doit de lui apporter l’aide et le soutien nécessaire à la vie en société, peu importe son apparence. Au-delà du roman d’horreur, ce livre touche plus profondément à l’acceptation des différences et c’est peut-être à cause de l’actualité que je l’ai ressenti de cette manière mais je pense sincèrement que c’est la principale question que pose ce livre.

J’espère vous avoir rendu curieux pour ceux qui ne l’ont pas lu, et pour ceux qui l’aurait déjà lu, je serais vraiment curieuse d’avoir votre avis sur la question !

Plus de chroniques : June & cie – Livres et petits papiers

22 réflexions sur “Frankenstein (ou le Prométhée Moderne) – Mary Shelley

  1. (Maudit portable ! ) pour Halloween donc. Ton avis est très intéressant car je m’attendais à être effrayée par la créature, mais en te lisant, j’ai l’impression que tu as été émue par la créature et son abandon. Du coup, ça me donne encore plus envie de le lire ☺

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  2. Comme toi quand je l’ai lu j’ai été surprise car il y a un tel mythe Frankenstein qu’on ne sait plus où et le faux, le vrai et le vraiment faux! Je m’attendais à une créature moche et stupide alors qu’elle réfléchit beaucoup cette créature. J’avoue que pour un classique j’ai été agréablement surprise =D

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  3. Malheureusement, je crois que le texte qu’on connait aujourd’hui à été grandement remanié par le mari de Mary Shelley et pas pour le mieux…. Il a rajouté de grandes envolées lyriques, voir carrément remanié certains passages et je me demande si le personnage du Docteur n’a pas subit trop grandement son influence.

    June en parlait ici https://juneandcie.com/2016/02/19/frankenstein/, y’a pas mal d’études qui traitent de ce sujet. Le texte original de Mary Shelley était en fait super moderne !

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    • J’avais cherché aussi à un moment mais n’ayant rien trouvé j’ai lâché l’affaire… Je trouve ça bizarre que cette pièce n’ait pas été filmée (et surtout bien dommage).
      Merci en tout cas, c’est un livre qui m’a beaucoup touché et l’histoire de la créature ne peut qu’émouvoir !

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  4. Je l’ai lu très récemment et j’ai adoré !!! Pour revenir sur cette responsabilité paternelle que tu évoques, j’ai ressenti la même chose que toi, et je me suis même fait la réflexion que s’il n’avait pas rejeté sa Créature, elle aurait sans doute suivi un chemin différent ^^ L’acceptation de la différence est effectivement au centre de ce récit magnifique ❤

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  5. Ce roman avait été l’un de mes coups de cœur de l’année dernière. Je suis tout à fait d’accord avec ton ressenti. En revanche, je ne savais pas que Danny Boyle l’avait adapté en pièce de théâtre. J’avoue être très intriguée.

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